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L’ÉPOUVANTE

par une épouvante réelle, et enivré par la volupté redoutable de se savoir au bord de l’abîme et de penser :

« En ce moment, les mots que je dis n’ont de sens que pour moi. Nul ne peut lire derrière la barrière infranchissable de mon crâne, où dort toute la vérité ! Je la tiens dans ma main, comme un oiseau captif. J’entr’ouvre les doigts, et je la sens battre mes paumes, prête à m’échapper ; je resserre mon étreinte, je l’étouffe, je la reprends… Je n’ai qu’un mot à dire… un geste à faire… Non… Je ne dirai pas ce mot… Je ne ferai pas ce geste…

— C’est curieux… j’aurais cru, fit le Commissaire. Moi qui, pourtant, ai l’habitude de ces sortes de spectacles, j’avoue que celui-ci m’a causé une émotion extraordinaire… Et… c’est à Paris que vous avez vu ce mort ?…

— Oh non, en province, il y a longtemps, une dizaine d’années, balbutia Coche.

Et entendant que sa voix sonnait le mensonge, il ajouta, pour effacer l’impression bizarre causée par son récit :

— Je débutais, dans une petite feuille locale, du