Page:Leury - Histoire de Rouyn.djvu/68

Cette page a été validée par deux contributeurs.

COUVENT DES SAINTS ANGES




LES REVERENDES SŒURS GRISES DE LA CROIX




MERE D’YOUVILLE, FONDATRICE DES SŒURS GRISES.




A l’antique demeure des seigneurs de Varennes, située à quelques pas de l’église paroissiale, naissait, le 15 Octobre 1701, une enfant prédestinée qui reçut au baptême le nom de Marguerite-Marie. Elle avait pour pére Christophe Dufrost de la Jemmerais, gentilhomme breton arrivé au Canada en 1687, et, pour mére, Marie-Renée, fille de René Gauthier de Varennes, Gouverneur de Trois-Riviéres, et petite-fille de Pierre Boucher, fondateur de Boucherville. Selon les prévisions humaines, une vie heureuse devait être le partage de cette enfant. Cependant, l’épreuve ne tarda pas à la visiter. A sept ans, M. Marguerite était orpheline ; son pére mourait, laissant sans ressources une veuve et six enfants, plus tard croyant rencontrer le bonheur dans une union qui lui promettait les plus belles espérances, elle n’y trouva que déceptions bien améres. Par ses épreuves successives, Dieu façonnait cette âme et la préparait à la sublime mission qu’il lui destinait. Rien comme la souffrance n’éclaire l’âme sur les besoins, les désirs et joies du prochain.

Devenue veuve, aprés huit années de mariage, elle s’occupa activement, au prix de bien grands sacrifices, à acquitter les dettes de son mari et à pourvoir à l’éducation de ses deux fils Qu’elle eut le bonheur de voir élevés au sacerdoce. Ces devoirs accomplis, Madame d’Youville, dirigée par Monsieur Normant, prétre de St Sulpice, faisait aux pauvres, qu’elle visitait depuis longtemps, l’offrande totale de sa personne et de ses biens ; de là, est né, à Montréal, le 31 Décembre 1737, l’Institut des Sœurs de la Charité de l’Hopital Général, dites « Sœurs Grises ». Aucune Infortune ne trouva insensible la nouvelle Fondatrice : enfants, vieillards, infirmes, incurables, épileptiques, chancreux, insensés, prisonniers de guerre, etc, tous sont l’objet de sa maternelle sollicitude. En 1754, la premiére en Amérique, elle recueille les enfants trouvés, œuvre de la Créche.

Son esprit de foi lui faisait considérer la croix comme le cachet des œuvres divines, comme le prélude des plus abondantes bénédictions ; aussi, lui fit-elle bon accueil sous quelque forme qu’elle se présentât. Le 23 Décembre 1771, sa tâche était-elle finie. L’heure du repos et de la récompense allait sonner. Il était huit heures du soir, Dieu voulut que la Croix, principe de la force et de l’énergie de cette humble servante des pauvres, apparut lumineuse au moment de sa mort et restât suspendue pendant quelque temps au dessus des édifices de l’Hopital Général.

Madame d’Youville est la première Canadienne, fondatrice d’une Congrégation religieuse ; elle est aussi la premiére canadienne qui ait eu l’honneur d’avoir sa cause introduite en Cour de Rome. Le 25 Avril 1890, Sa Sainteté Léon XIII la déclarait Vénérable, en la qualifiant de « Femme Forte ».