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DEUXIÈME PARTIE

me représente l’émotion secrète que je ressentois, lorsque je croyois discerner vos pas dans une promenade ; la douce langueur qui s’emparoit de tous mes sens, quand je rencontrois vos regards, et le transport inexprimable de mon âme, lorsque nous avions la liberté d’un moment d’entretien : je ne sais comme j’ai pu vivre avant que de vous voir, et comment je vivrai quand je ne vous verrai plus. Mais vous avez dû sentir ce que j’ai senti ; vous étiez aimé, et vous disiez que vous aimiez, et cependant vous êtes le premier à me proposer de ne me voir plus ! Ah ! vous serez satisfait, et je ne vous verrai de ma vie ! J’aurois pourtant un plaisir extrême à vous reprocher votre ingratitude, et il me semble que ma vengeance seroit plus entière si mes yeux et toutes mes actions vous confirmoient mon innocence. Elle est si parfaite, et le mensonge qu’on vous a fait si aisé à détruire, que vous ne pourriez me parler un quart d’heure sans être persuadé de votre injustice et sans mourir de regret de l’avoir commise. Cette pensée m’a déjà sollicitée deux ou trois fois de courir chez vous ; je ne sais même si elle ne m’y conduira point malgré moi avant la fin de la journée ; car mon dépit