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DEUXIÈME PARTIE

que vous étiez celui que je soupçonnois. Ah ! que je vois de défauts dans votre passion ! que vous savez mal aimer, et qu’il est aisé de concevoir que vous n’avez point d’amour dans le cœur, puisque tout ce que vous laissez échapper sans étude est si peu digne du nom d’amour ! Quoi ! ce cœur que j’ai acheté de tout le mien, ce cœur que tant de transports et tant de fidélité m’ont fait mériter, et que vous m’avez assuré que je possédois, est capable de m’offenser de cette sorte ! Ses premiers mouvemens sont des injures ; et quand vous le laissez agir sur sa foi, il ne m’exprime que des outrages ! Allez, ingrat que vous êtes, je veux vous laisser vos soupçons, pour vous punir de les avoir conçus ; il vous devoit être assez doux de me croire tendre et fidèle pour faire votre tourment d’en douter. Il me seroit aisé de vous guérir, et la liberté de vous offenser ne m’est que trop interdite pour mon repos. Mais je veux vous laisser une erreur qui me venge ; et si vous en croyez mon ressentiment, toutes vos conjectures sont justes, et je suis la plus infidèle de toutes les femmes. Je n’ai pourtant point vu l’homme qui cause votre jalousie ; la lettre qu’on prétend être