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LETTRES PORTUGAISES

toute ma vie jusques à l’adoration ; je veux, s’il se peut, que vous m’aimiez de même ; mais on ne peut vouloir tout cela sans vouloir en même temps être la plus folle de toutes les femmes. Que cette folie ne vous dégoûte pas de moi : je n’en ai jamais été capable que pour vous, et je ne voudrois pas la changer pour la plus solide sagesse, s’il falloit, pour être sage, vous aimer un peu moins que je ne fais. Votre esprit a mille charmes ; vous m’avez dit que vous en trouvez autant dans le mien ; mais je renoncerois à nous en voir à tous deux s’il s’opposoit au progrès de notre folie. C’est l’amour qui doit régner sur toutes les fonctions de notre âme. Tout ce qui est en nous doit être fait pour lui, et pourvu qu’il soit satisfait, il m’est indifférent que la raison se plaigne. Avez-vous été de ce sentiment depuis que je ne vous ai vu ? Je tremble de peur que vous n’ayez eu toute la liberté de votre esprit. Mais seroit-il possible qu’il vous en fût resté en parlant d’une guerre qui doit vous éloigner de moi ? Non, vous n’êtes pas capable de cette trahison ; vous n’aurez pas vu un soldat qui ne vous ait arraché un soupir, et j’aurai le plaisir d’entendre dire, à votre re-