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DEUXIÈME PARTIE

chevet. Je le souhaite pour votre félicité : j’aime si fort votre joie, que je consens à la faire toute ma vie aux dépens de la mienne propre, et si vous voulez régaler ce bel objet de la lecture de cette lettre ici, vous le pouvez faire sans scrupule. Ce que je vous écris ne sera pas inutile à l’avancement de vos affaires ; j’ai un nom connu dans ce royaume, on m’y a toujours flattée de quelque beauté, et j’avois cru en avoir jusques au moment que votre mépris m’a désabusée. Proposez-moi donc pour exemple à votre nouvelle conquête, dites-lui que je vous aime jusques à la folie ; je veux bien en tomber d’accord, et j’aime mieux contribuer à ma perte par un aveu que de nier une passion si chère. Oui, je vous aime mille fois plus que moi-même. Au moment que je vous écris, je suis jalouse, je l’avoue ; votre procédé d’hier a mis la rage dans mon cœur, et je vous crois infidèle, puisqu’il faut vous dire tout. Mais, malgré tout cela, je vous aime plus qu’on n’a jamais aimé. Je hais la marquise de Furtado, de vous avoir donné l’occasion de voir cette nouvelle venue. Je voudrois que la marquise de Castro n’eût jamais été, puisque c’étoit à ces