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LETTRES PORTUGAISES

l’en punir, et je devrois mourir de honte d’avoir cru être maîtresse d’aucun de mes mouvemens. Ah ! que vous savez bien comme il faut châtier cette espèce de révolte. Vous souvient-il de la tranquillité apparente avec laquelle vous m’offrîtes, hier au soir, de m’aider à ne plus vous voir ? Avez-vous bien pu m’offrir ce remède, ou pour mieux dire, m’avez-vous cru capable de l’accepter ? car dans la délicatesse de mon amour, il me seroit bien plus douloureux de me voir soupçonnée d’un crime, que de vous en voir commettre un. Je suis plus jalouse de ma passion que de la vôtre, et je vous pardonnerois lus aisément une infidélité que le soupçon de me la voir faire : oui, c’est de moi-même que je veux être contente plutôt que de vous. Ma tendresse m’est si précieuse, et l’estime que je fais de vous m’y fait trouver tant de gloire, que je ne sais point de plus grand crime que de vous en laisser douter. Mais comment en douteriez-vous ? Tout vous le persuade et dans votre cœur et dans le mien. Vous n’avez pas une négligence qui ne vous apprenne que je vous aime jusqu’à l’adoration ; et l’amour m’a si bien appris l’art de tirer du profit de toutes