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DEUXIÈME PARTIE

dissimulez vos sentimens que par pitié pour ma foiblesse. Hélas ! que ne m’avez-vous paru tel dans les commencemens de notre connoissance ! peut-être que mon cœur se fût réglé sur le vôtre. Mais vous ne vous êtes résolu à m’aimer avec peu d’empressement que quand vous avez reconnu que j’en avois jusques à la fureur. Ce n’est pourtant pas par tempérament que vous êtes si retenu. Vous êtes emporté, je l’éprouvai hier au soir. Mais, hélas ! votre emportement n’est pas fait pour le courroux, et vous n’êtes sensible qu’à ce que vous croyez des outrages. Ingrat, que vous a fait l’amour pour être si mal partagé ? Que n’employez-vous cette impétuosité pour répondre à la mienne ? Pourquoi faut-il que ces démarches précipitées ne se fassent pas pour avancer les momens de notre félicité ? Et qui diroit en vous voyant si prompt à sortir de ma chambre, quand le dépit vous en chasse, que vous êtes si lent à y venir, quand l’amour vous y appelle ? Mais je mérite bien ce traitement : j’ai pu vous ordonner quelque chose. Est-ce à un cœur tout à vous à entreprendre de vous donner des lois ? Allez, vous avez bien fait de