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LETTRES PORTUGAISES

donne ce remords ? N’ai-je pas eu raison de me plaindre, et n’offenserois-je pas votre propre passion si j’avois pu souffrir, sans murmure, que vous ayez la force de me cacher quelque chose ? Hé, bon Dieu ! je fais des reproches continuels à mon âme de ce qu’elle ne vous découvre pas assez l’ardeur de ses mouvemens, et vous voulez me cacher tous les secrets de la vôtre ! Quand mes regards sont trop languissans, il me semble qu’ils ne servent que ma tendresse, et qu’ils volent quelque chose à mon ardeur. S’ils sont trop vifs, ma langueur leur fait le même reproche, et avec les actions du monde les plus parlantes, je crois n’en pas assez dire, pendant que vous me faites des réserves d’une bagatelle. Ah ! que ce procédé m’a touchée, et que je vous aurois fait de pitié, si vous aviez pu voir tout ce qu’il m’a fait penser ! Mais pourquoi suis-je si curieuse ? Pourquoi veux-je lire dans une âme où je ne trouverois que de la tiédeur, et peut-être de l’infidélité ? C’est votre honnêteté propre qui vous rend si réservé, et je vous ai de l’obligation de votre mystère. Vous voulez m’épargner la douleur de connoître toute votre indifférence, et vous ne