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LETTRES PORTUGAISES

raison ; mais vous devez en tirer peu de vanité. J’étois jeune, j’étois crédule, on m’avoit enfermée dans ce couvent depuis mon enfance ; je n’avois vu que des gens désagréables ; je n’avais jamais entendu les louanges que vous me donniez incessamment ; il me sembloit que je vous devois les charmes et la beauté que vous me trouviez et dont vous me faisiez apercevoir ; j’entendois dire du bien de vous ; tout le monde me parlait en votre faveur ; vous faisiez tout ce qu’il falloit pour me donner de l’amour. Mais je suis enfin revenue de cet enchantement : vous m’avez donné de grands secours, et j’avoue que j’en avois un extrême besoin. En vous renvoyant vos lettres, je garderai soigneusement les deux dernières que vous m’avez écrites ; et je les relirai encore plus souvent que je n’ai lu les premières, afin de ne retomber plus dans mes foiblesses. Ah ! qu’elles me coûtent cher, et que j’aurois été heureuse, si vous eussiez voulu souffrir que je vous eusse toujours aimé ! Je connois bien que je suis encore un peu trop occupée de mes reproches et de votre infidélité ; mais souvenez-vous que je me suis promis un état plus paisible, et que j’y parviendrai, ou que je