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LETTRES PORTUGAISES

quoique je vous eusse prié de vous ménager pour l’amour de moi. Vous n’avez point cherché les moyens de vous établir en Portugal, où vous étiez estimé. Une lettre de votre frère vous en a fait partir sans hésiter un moment ; et n’ai-je pas su que, durant le voyage, vous avez été de la plus belle humeur du monde. Il faut avouer que je suis obligée à vous haïr mortellement. Ah ! je me suis attiré tous mes malheurs. Je vous ai d’abord accoutumé à une grande passion avec trop de bonne foi, et il faut de l’artifice pour se faire aimer ; il faut chercher avec quelque adresse les moyens d’enflammer, et l’amour tout seul ne donne point de l’amour. Vous vouliez que je vous aimasse ; et comme vous aviez formé ce dessein, il n’y a rien que vous n’eussiez fait pour y parvenir. Vous vous fussiez même résolu à m’aimer, s’il eût été nécessaire ; mais vous avez connu que vous pouviez réussir dans votre entreprise sans passion, et que vous n’en aviez aucun besoin. Quelle perfidie ! Croyez-vous avoir pu impunément me tromper ! Si quelque hasard vous ramenoit en ce pays, je vous déclare que je vous livrerai à la vengeance de mes parents. J’ai vécu longtemps dans un abandonne-