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PREMIÈRE PARTIE

fait, on devroit plutôt s’attacher à elles qu’aux autres femmes. Rien ne les empêche de penser incessamment à leur passion : elles ne sont point détournées par mille choses qui dissipent et qui occupent dans le monde. Il me semble qu’il n’est pas fort agréable de voir celles qu’on aime, toujours distraites par mille bagatelles ; et il faut avoir bien peu de délicatesse, pour souffrir (sans en être au désespoir) qu’elles ne parlent que d’assemblées, d’ajustements et de promenades. On est sans cesse exposé à de nouvelles jalousies : elles sont obligées à des égards, à des complaisances, à des conversations. Qui peut s’assurer qu’elles n’ont aucun plaisir dans toutes ces occasions, et qu’elles souffrent toujours leurs maris avec un extrême dégoût et sans aucun consentement ? Ah ! qu’elles doivent se défier d’un amant qui ne leur fait pas rendre un compte bien exact là-dessus, qui croit aisément et sans inquiétude ce qu’elles lui disent, et qui les voit avec beaucoup de confiance et de tranquillité sujettes à tous ces devoirs. Mais je ne prétends pas vous prouver par de bonnes raisons que vous deviez m’aimer ; ce sont de très-méchants moyens, et j’en ai employé de beaucoup meilleurs qui