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PREMIÈRE PARTIE

Je n’ai bien connu l’excès de mon amour que depuis que j’ai voulu faire tous mes efforts pour m’en guérir ; et je crains que je n’eusse osé l’entreprendre si j’eusse pu prévoir tant de difficultés et tant de violences. Je suis persuadée que j’eusse senti des mouvements moins désagréables en vous aimant tout ingrat que vous êtes, qu’en vous quittant pour toujours. J’ai éprouvé que vous m’étiez moins cher que ma passion, et j’ai eu d’étranges peines à la combattre, après que vos procédés injurieux m’ont rendu votre personne odieuse.

L’orgueil ordinaire de mon sexe ne m’a point aidée à prendre des résolutions contre vous. Hélas ! j’ai souffert votre mépris ; j’eusse supporté votre haine et toute la jalousie que m’eût donnée l’attachement que vous eussiez pu avoir pour une autre. J’aurois eu, au moins quelque passion à combattre ; mais votre indifférence m’est insupportable. Vos impertinentes protestations d’amitié, et les civilités ridicules de votre dernière lettre, m’ont fait voir que vous aviez reçu toutes celles que je vous ai écrites ; qu’elles n’ont causé dans votre cœur aucun mouvement, et que cependant vous les avez lues. Ingrat ! Je suis en-