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PREMIÈRE PARTIE

à l’excès de mes douleurs, à l’incertitude de mes projets, à la diversité de mes mouvements, à l’extravagance de mes lettres, à mes confiances, à mes désespoirs, à mes souhaits, à ma jalousie. Ah ! vous allez vous rendre malheureux ; je vous conjure de profiter de l’état où je suis, et qu’au moins ce que je souffre pour vous ne vous soit pas inutile. Vous me fîtes, il y a cinq ou six mois, une fâcheuse confidence, et vous m’avouâtes de trop bonne foi que vous aviez aimé une dame en votre pays. Si elle vous empêche de revenir, mandez-le-moi sans ménagement, afin que je ne languisse plus. Quelque reste d’espérance me soutient encore, et je seroi bien aise (si elle ne doit avoir aucune suite) de la perdre tout à fait et de me perdre moi-même. Envoyez-moi son portrait avec quelqu’une de ses lettres, et écrivez-moi tout ce qu’elle vous dit. J’y trouverois peut-être des raisons de me consoler ou de m’affliger davantage. Je ne puis demeurer plus longtemps dans l’état où je suis, et il n’y a point de changement qui ne me soit favorable. Je voudrois aussi avoir le portrait de votre frère et de votre belle-sœur. Tout ce qui vous est quelque chose m’est fort cher, et je suis entièrement