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LETTRES PORTUGAISES

dération et quelque ménagement pour moi. Tout le monde est touché de mon amour, et vous demeurez dans une profonde indifférence, sans m’écrire, que des lettres froides, pleines de redites ; la moitié du papier n’est pas rempli, et il paroît grossièrement que vous mourez d’envie de les avoir achevées. Dona Brites me persécuta ces jours passés pour me faire sortir de ma chambre et, croyant me divertir, elle me mena promener sur le balcon, d’où l’on voit Mertola 3 ; je la suivis, et je fus aussitôt frappée d’un souvenir cruel qui me fit pleurer tout le reste du jour. Elle me ramena, et je me jetai sur mon lit, où je fis mille réflexions sur le peu d’apparence que je vois de guérir jamais. Ce qu’on fait pour me soulager aigrit ma douleur, et je trouve dans les remèdes mêmes des raisons particulières de m’affliger. Je vous ai vu souvent passer en ce lieu avec un air qui me charmoit, et j’étois sur ce balcon le jour fatal que je commençai à sentir les premiers effets de ma passion malheureuse. Il me sembla que vous vouliez me plaire, quoique vous ne me connussiez pas ; je me persuadois que vous m’aviez remarquée entre toutes celles qui étoient avec moi. Je