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PREMIÈRE PARTIE

douleurs, ni de l’excès de mon amour, quoique je ne puisse, hélas ! me flatter assez pour être contente de vous. Je vis, infidèle que je suis, et je fais autant de choses pour conserver ma vie que pour la perdre ! Ah ! j’en meurs de honte ; mon désespoir n’est donc que dans mes lettres ? Si je vous aimois autant que je vous l’ai dit mille fois, ne serois-je pas morte il y a longtemps ! Je vous ai trompé ; c’est à vous à vous plaindre de moi. Hélas ! pourquoi ne vous en plaignez-vous pas ? Je vous ai vu partir, je ne puis espérer de vous voir jamais de retour ; et je respire cependant ! Je vous ai trahi, je vous en demande pardon, mais ne me l’accordez pas. Traitez-moi sévèrement ; ne trouvez point que mes sentimens soient assez violens ; soyez plus difficile à contenter ; mandez-moi que vous voulez que je meure d’amour pour vous ; et je vous conjure de me donner ce secours, afin que je surmonte la foiblesse de mon sexe, et que je finisse toutes mes irrésolutions par un véritable désespoir. Une fin tragique vous obligeroit sans doute à penser souvent à moi ; ma mémoire vous seroit chère, et vous seriez peut-être sensiblement touché d’une mort extraordinaire. Ne vaut-elle pas