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PREMIÈRE PARTIE

que vous me faisiez voir ! Mais, hélas ! je m’abuse, et je ne connois que trop que tous les mouvemens qui occupoient ma tête et mon cœur n’étoient excités en vous que par quelques plaisirs, et qu’ils finissoient aussitôt qu’eux. Il falloit que, dans ces momens trop heureux, j’appelasse ma raison à mon secours pour modérer l’excès funeste de mes délices, et pour m’annoncer tout ce que je souffre présentement ; mais je me donnois toute à vous, et je n’étois pas en état de penser à ce qui eût pu empoisonner ma joie, et m’empêcher de jouir pleinement des témoignages ardens de votre passion. Je m’apercevois trop agréablement que j’étois avec vous, pour penser que vous seriez un jour éloigné de moi. Je me souviens pourtant de vous avoir dit quelquefois que vous me rendriez malheureuse ; mais ces frayeurs étoient bientôt dissipées, et je prenois plaisir à vous les sacrifier, et à m’abandonner à l’enchantement et à la mauvaise foi de vos protestations. Je vois bien le remède à tous mes maux, et j’en serois bientôt délivrée si je ne vous aimois plus. Mais, hélas ! quel remède ! Non, j’aime mieux souffrir encore davantage que vous oublier. Hélas ! cela