fuir, qui est en France au milieu des plaisirs, qui ne pense pas un seul moment à tes douleurs, et qui te dispense de tous ces transports, desquels il ne te sait aucun gré ? Mais non, je ne puis me résoudre à juger si injurieusement de vous, et je suis trop intéressée à vous justifier. Je ne veux point m’imaginer que vous m’avez oubliée. Ne suis-je pas assez malheureuse, sans me tourmenter par de faux soupçons ? Et pourquoi ferois-je des efforts pour ne me plus souvenir de tous les soins que vous avez pris de me témoigner de l’amour ? J’ai été si charmée de tous ces soins, que je serois bien ingrate si je ne vous aimois avec les mêmes emportemens que ma passion me donnoit quand je jouissois des témoignages de la vôtre. Comment se peut-il faire que les souvenirs de momens si agréables, soient devenus si cruels ? et faut-il que contre leur nature ils ne servent qu’à tyranniser mon cœur ? Hélas ! votre dernière lettre le réduisit en un étrange état : il eut des mouvemens si sensibles, qu’il fit, ce semble, des efforts pour se séparer de moi et pour vous aller trouver. Je fus si accablée de toutes ces émotions violentes, que je demeurai
Page:Lettres portugaises, éd. Piedagnel, 1876.djvu/25
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
7
PREMIÈRE PARTIE