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DEUXIÈME PARTIE

violence quand ils vous ont déguisé leurs mouvemens, et qu’il faut être ennemi de soi-même pour se dérober un moment de bonne intelligence quand on s’aime comme nous nous aimons ! Mes pas me portoient malgré moi où je devois vous rencontrer. Mon cœur, qui s’est fait une habitude si douce d’épanchement à votre rencontre, cherchoit mes yeux pour les répandre ; et comme je m’efforçois de les lui refuser, il me donnoit des élans secrets qui ne peuvent être compris que par ceux qui les ont éprouvés. Il me semble que vous avez été tout de même. Je vous ai trouvé dans des lieux où le hasard ne pouvoit vous conduire ; et s’il faut vous confier toutes mes vanités, je n’ai jamais remarqué tant d’amour dans vos regards que depuis que vous affectez de n’en plus laisser voir. Qu’on est insensé de se donner toutes ces gênes ! mais plutôt qu’on fait bien de se montrer ainsi son ime tout entière ! Je connoissois toute la tendresse de la vôtre, et j’aurois distingué ses mouvemens amoureux entre ceux de toutes les autres âmes ; mais je ne connoissois ni votre colère ni votre fierté. Je savois bien que vous étiez capable de jalousie, puisque vous aimiez ;