Page:Lettres portugaises, éd. Piedagnel, 1876.djvu/108

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que de ne les point voir du tout. Mais, hélas ! je ne hasarde guère quand je laisse ce choix dans votre disposition. Je sais que je les verrai tendres et brûlans d’amour : ils m’ont déjà paru tels ce matin, à l’église ; j’y ai lu la confusion de votre crédulité, et vous avez dû voir dans les miens des assurances de votre pardon. Ne parlons plus de cette querelle, ou si nous en parlons, que ce soit pour en éviter une pareille à l’avenir. Comment pourrions-nous douter de notre amour ? Nous ne sommes au monde que pour lui. Je n’aurois jamais eu le cœur que j’ai s’il n’avoit dû être plein de votre idée ? vous n’auriez pas l’âme que vous avez si vous n’aviez pas dû m’aimer ; et ce n’est que pour vous aimer autant que vous êtes aimable, et que pour m’aimer autant que vous êtes aimé, que le Ciel nous a faits si capables d’amour l’un et l’autre. Mais dites-moi, de grâce, avez-vous senti tout ce que j’ai senti depuis que nous feignons de nous vouloir du mal ? Car nous ne nous en sommes jamais voulu, nous n’en avons pas la force, et notre étoile est plus puissante que tous les dépits. Grand Dieu ! que j’ai trouvé cette feinte pénible ! que mes yeux se sont fait de