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DEUXIÈME PARTIE

ports ! Je ne sais quel démon secret m’inspire sans cesse que c’est à ma colère que je dois vos tendresses, et qu’il y a plus de politique que de sincérité dans les sentimens que vous m’avez fait paroître. Sans mentir, la délicatesse est un don de l’amour qui n’est pas toujours aussi précieux qu’on se le persuade. J’avoue qu’elle assaisonne les plaisirs, mais elle aigrit terriblement les douleurs. Je m’imagine toujours vous voir dans cette distraction qui m’a causé tant de soupirs. Ne vous y trompez pas, mon cher, vos empressemens font toute ma félicité ; mais ils feroient toute ma rage, si je croyois les devoir à quelque autre chose qu’au mouvement naturel de votre cœur. Je crains l’étude des actions beaucoup plus que la froideur du tempérament ; et l’extérieur est pour les âmes grossières un piége où les âmes délicates ne peuvent être surprises. Vous dirai-je toutes mes manies là-dessus ! Ce fut hier l’excès de votre emportement qui fit naître tous mes soupçons. Vous me sembliez hors de vous, et je vous cherchois à travers de tout ce que vous paroissiez. O Dieu ! que serois-je devenue si j’avois pu vous convaincre de dissimulations ? Je préfère votre