est assez violent pour m’ôter la raison. Mais je m’étois fait une si douce habitude de vous étudier, que je crains de vous déplaire par cet éclat. Je vous ai toujours vu pratiquer une discrétion sans égale ; vous avez eu plus de soin de ma réputation que moi-même, et vous avez quelquefois porté vos précautions jusqu’à me forcer de m’en plaindre. Que diriez-vous si je faisois quelque chose qui découvrît notre intrigue, et qui me scandalisât parmi les gens d’honneur ? Vous auriez du mépris pour moi, et je mourrois si je vous en croyois capable ; car, quoi qu’il arrive, je veux toujours être estimée de vous. Plaignez-vous, dites-moi des injures, faites-moi des trahisons, haïssez-moi, puisque vous le pouvez ! mais ne me méprisez jamais. Je puis vivre sans votre amour, dès l’instant que cet amour ne fera plus votre félicité ; mais je ne puis vivre sans votre estime, et je crois que c’est par cette raison que j’ai tant d’impatience de vous voir ; car il n’est pas possible que ce soit par un effet de tendresse ; je serois bien insensée d’aimer un homme qui me traite comme vous me traitez ! Cependant à bien prendre votre colère, ce n’est qu’un excès de passion qui la cause, vous ne
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LETTRES PORTUGAISES