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ne vous reste actuellement qu’à disserter la nature, et je ne doute point que vous ne vous en tiriez avec le même honneur.

Pour vous bien définir, ma sœur, ce qu’on entend par le mot de nature, ajouta mon abbé, je ne pourrais tout au plus vous donner qu’un rechauffé sur cette matière ; mais écoutez un de mes confrères, plus spirituel que moi, et plus voluptueux peut-être. C’est monsieur l’abbé T… qui parle à madame C…

« La nature, dit-il, est un être imaginaire, un mot vuide de sens. Les premiers politiques, embarassés sur l’idée qu’ils devaient donner au public du bien et du mal moral, ont imaginé un être entre Dieu et nous, qu’ils ont rendu l’auteur de nos passions, de nos maladies, de nos crimes. Comment, en effet sans ce secours eussent-ils concilié leur systême avec la bonté infinie de Dieu ? D’où eussent-ils dit que nous venaient ces envies de voler, de calomnier, de violer, d’assassiner ? Pourquoi tant de maladies, tant d’infirmités ? Qu’avait fait à Dieu ce mal-

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