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manda ce qui pouvait occasionner cet air de tristesse et de nonchalance où je paraissais plongée.

Je ne sais, madame, lui dis-je, ce qui se passe dans le fond de mon cœur ; mais je sens que je ne suis pas à mon aise, et qu’il manque quelque chose à ma félicité.

Je vois bien, ma fille, reprit alors madame, que l’ennui de la solitude vous gagne, et que vous regrettez sans doute le village. Il faut pourtant, continua-t-elle, que vous vous fassiez à notre genre de vie ; car il n’a pas plu à la fortune de vous combler de ses faveurs. Vous étiez encore au maillot, quand vous perdîtes votre mère ; et votre père, inconsolable d’une telle perte, en mourut de douleur huit jours après. Voilà ce qu’en conscience je me crois obligée de vous apprendre, non pas dans le dessein de vous faire de la peine, puisque ce sont des malheurs qu’il faut oublier, mais afin que vous sachiez qu’il est absolument indispensable que vous vous soumettiez aux décrets du sort, qui veut que vous viviez et que vous mouriez dans le cloître.

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