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cordait si bien avec la morale chrétienne, que j’aurais juré qu’elle avait été toujours soumise au joug de la sagesse. Mais quelle était mon erreur ! je n’imaginais pas que l’on pouvait sans peine oublier la religion et ses ministres, et qu’on ne se brouillait pas si facilement avec l’amour et ses plaisirs. Madame la supérieure voulut essayer du précepte : il lui prit un soir envie de me faire quelques observations préliminaires sur l’état d’une maladie qu’elle feignait avoir, et qui ne pouvait recevoir d’altération, qu’autant qu’on négligeait de la soulager par un acte licentieux. Pour cet effet, madame grimaça des doléances, poussant, par intervalle, quelques soupirs entre-coupés, et tâtonnant dans mon lit pour savoir si je dormais. Qu’avez-vous donc, madame, lui dis-je, avec un air de candeur et de franchise qui m’était alors si naturel ? Il me semble que vous vous trouvez mal. Puis-je vous être utile ? appelerai-je du secours ? C’est ici le lieu d’examiner jusqu’où va la malice des nones, et à quels excès ces monstres femelles portent la