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Je ne crois pas, ma chère Agathe, que l’énumération de mes titres t’ait beaucoup fatiguée. Je suis du systême de Lock, et je soutiens avec ce philosophe, que tout est bien ; j’insiste même à dire que la bâtardise tient son coin, et qu’il y a quelquefois de l’avantage à naître dans le silence. Il est du moins probable que l’histoire d’une telle généalogie ne se perd pas dans la nuit des tems, et qu’elle n’est pas, comme une infinité d’autres, mêlée de fables et d’obscurités.

Te voilà présentement au fait de toute ma famille : tu sais à qui je dois le jour, et de qui je tiens l’être. Il ne me reste qu’à t’apprendre entre quelles mains je fus livrée pour avoir soin de mon enfance.

Ma mère nourricière s’appelait Mathurine : c’était une de ces bonnes paysannes qui n’avait rien des caillettes de nos jours, qui partait de bon matin de son village, pour venir offrir aux habitans de la ville le tribut de ses bestiaux. Comme elle avait la pratique du couvent, et qu’elle y portait journellement du lait, c’était