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PRÉFACE.


tourner quelques feuillets encore, et il rencontrera infailliblement une consolation, en voyant la même justice s’exercer à l’égard de son adversaire. Ces volumes ne se donnent donc ni pour un livre de morale ni pour un livre d’histoire, et pourtant on ne les achèvera pas sans avoir parcouru le cycle entier de l’histoire de l’homme et de l’histoire contemporaine.

Sous la Restauration, elle aborde déjà les problèmes de la liberté religieuse ; en 1847, elle a lu Proudhon et elle s’en préoccupe ; après la révolution de 1848, elle croit au retour de l’autorité ; après 1832, elle prédit le réveil de la liberté. Avec Mme de Virieu et plusieurs des amis qui gardent ici l’anonyme, avec le général de la Bourdonnaye et Mme de Pastoret, elle s’associe aux efforts des légitimistes parlementaires ; avec Mme de Germiny, fille de M. Humann, elle honore la probité et l’indépendance dans le parti conservateur ; avec dom Guéranger, elle salue la renaissance des ordres religieux sous le régime du droit commun ; enfin avec M. de Tocqueville, elle lutte contre les nobles tristesses de l’homme d’État et de l’homme de lettres. Rien n’est plus touchant, rien ne pénètre plus d’une mélancolique gravité que ce dernier dialogue entre deux grandes intelligences, toutes deux au déclin de leurs jours sans avoir connu le déclin de leurs forces ni subi la défaillance d’une seule de leurs convictions. Enfin n’eût-on que ses lettres à Mme Edling et à Mme de Nesselrode, on aurait Mme Swetchine tout entière.

Je ne puis d’ailleurs m’imaginer que, au point d’expériences et de mécomptes où notre siècle est arrivé, une voix grave, recueillie, impartiale, craignant de flatter autant que de blesser, puisse être méconnue par les esprits droits et sincères. Hélas ! ce qui, peut-être, manque à chacun de nous, c’est un ami réunissant ces qualités et remplissant ce rôle dans le silence du foyer