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ii
PRÉFACE.


lui était si familière, ce mouvement lui était si naturel, que, à la fin de chaque correspondance, on aura devant les yeux, j’en suis convaincu, la physionomie du correspondant, aussi clairement dessinée, aussi distincte que la physionomie de Mm. Swetchine elle-même. Sacrifier à l’intérêt chronologique cet intérêt moral m’eût semblé une faute tenant de la profanation.

On a dit que dans sa correspondance Mme Swetchine se répétait. Je ne crois pas que cette critique soit juste ; Mme Swetchine ne se répète pas, elle se complète. Son sujet est toujours le même, mais la variété des points de vue qu’elle y découvre est infinie, et jamais cette richesse d’analyse n’aura brillé d’un plus vif et d’un plus pur éclat que dans cette dernière collection de ses lettres.

Mme Swetchine est une âme à la fois aimante et éclairée, qui trouvait sans cesse, dans ses affections et dans ses lumières, des trésors de sagesse et de charité. Il n’y a peut-être pas une situation dans la vie qui ne soit venue demander des soins à cette main délicate et sûre ; il n’y a pas non plus une épreuve traversée par une génération que ne recommence, à son tour et à son heure, la génération suivante ; sa parole écrite aura donc la même opportunité que sa parole vivante, et ses lettres formeront dans leur ensemble, un manuel chrétien, non théorique et didactique, mais pratique et journalier. C’est la douleur et la consolation prises sur le fait, vivant, l’une en regard de l’autre, de la vie qui leur est propre, et bientôt se pénétrant mutuellement ; la souffrance n’ayant point l’accent de la révolte ; l’enseignement ne s’arrogeant jamais le ton de la supériorité ou du pédantisme, ayant toujours dans la voix plus d’onction et de sympathie que de reproche, poussant enfin jusqu’à son extrême limite le respect de la liberté d’autrui.

Mme Swetchine possède par excellence l’art difficile de lire couramment dans le cœur des autres, parce qu’elle