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voyez si je suis en état de jouir de rien ! je vous crie seulement : ne déchirez pas ma plaie. Voilà où se bornent tous mes désirs. Il me semble que, si vous le vouliez bien, vos voyages à Versailles seraient un peu moins fréquents. — Mon ami, si je vous vois demain, apportez-moi le reste de votre voyage et ma brochure bleue : si vous l’avez sous la main, donnez-la à mon domestique. — Mon ami, avez-vous envoyé mon billet au propriétaire de ma maison ? Mon Dieu, je regrette souvent la peine que je vous donne pour ce logement. Adieu. Je n’ai pas, en vérité, la force de tenir ma plume ; toutes mes facultés sont employées à souffrir. Ah ! je suis arrivée à ce terme de la vie où il est presque aussi douloureux de mourir que de vivre. Je crains trop la douleur ; les maux de mon âme ont épuisé toutes mes forces. Mon ami, soutenez-moi ; mais ne souffrez pas : car cela deviendrait mon mal le plus sensible. Je vous le répète bonnement, simplement, n’enlevez pas la soirée de demain à votre famille ; demain c’est mardi.



LETTRE CLXXIX

1776.

Mais cela est, comme vous, sans mesure : envoyer la nuit deux fois ! ah ! le meilleur de tous les hommes ! Oui, calmez-vous, je vous le répète : vous hâteriez mes maux ; les vôtres me font mal, bien mal. Je viens de prendre des calmants, je n’en suis pas encore soulagée. Je suis dans mon lit, et je penserai souvent avec douleur que vous souffrez. Ne venez pas avant midi. — Adieu.