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LETTRE CXL

Jeudi, six heures du soir, 26 octobre 1775.

Vous aurez un mot demain matin. Je reçois votre lettre : c’est la première que j’aie eue le lendemain de sa date, ordinairement c’est le troisième jour. Mais, comme vous dites, il faudra se plier à cette manière d’être ; car vous n’en changerez pas. Mais aussi vous ne devez pas trouver extraordinaire que, dans cette incertitude perpétuelle de ce que vous faites et du lieu où vous êtes, on ne soit pas toujours aussi exact. Je vous ai écrit hier, c’est-à-dire mardi au soir, et par le courrier de M. Turgot. Je priai M. de Vaines de vous envoyer ma lettre. — Eh ! bon Dieu ! êtes-vous fou d’aller demander de mes nouvelles au comte de C… ? Il ne saura plus qu’une chose de moi : il saura ma mort ; tout le reste est pour lui comme ce qui se passe en Chine. Il sait qu’il aime sa femme, il sent qu’il est riche ; et voilà, je vous jure, les deux parties de son discours dont il ne se tirera en effet que par la vie éternelle. — Non, je ne me porte pas bien : j’ai une toux convulsive qui ne me laisse pas un moment de repos. — Je ne vous réponds point sur M. de Saint-Germain ? c’est que j’en ai mes poches pleines. Mon ami, tout ce que je désire, c’est que vous ne mettiez rien contre vous ; sûrement cet homme a du mérite et beaucoup. Il vous a aimé, pourquoi voudriez-vous, comme dit précieusement M. de Saint-Mart, donner cent coups de bâton à votre étoile. Adieu. — Mais est-il bien vrai ? avez-vous besoin d’être aimé de moi ? cela