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préféré le moment du jour de l’an, où je crois que, si il doit y avoir du mouvement ici, on prendra ce moment. Je ne crains rien pour notre maison mais dans la ville il pourrait y avoir du train, et j’aime à être tranquille sur tout ce qui m’intéresse.

Vous devez avoir reçu une lettre de ma fille. Cette pauvre petite est toujours à merveille pour moi. En vérité, si je pouvais être heureuse, je le serais par ces deux petits êtres. Le Chou d'amour[1] est charmant, et je l’aime à la folie. Il m’aime beaucoup aussi, à sa manière, ne se gênant pas. Je me plais à l’appeler comme cela, pour lui rappeler vous et les vôtres. Je lui demande quelquefois si il se rappelle de vous, si il vous aime il me dit oui, et alors je le caresse davantage. Il se porte bien, devient fort, et n’est plus colère. Il se promène tous les jours, ce qui lui fait grand bien.

Je ne vous parle point des affaires d’ici je trouve qu’il faut n’en rien dire ou écrire des volumes. Mon mari me charge de bien des amitiés pour vous ; je crois qu’il n’y a pas longtemps qu’il vous a écrit. Je viens de me donner encore une entorse à ma mauvaise jambe, ce qui m’a obligée d’être une douzaine de jours dans ma chambre. Mais, quand on ne peut pas être où et avec qui l’on voudrait, on resterait un an à la même place sans penser à en changer.

Adieu, mon cher cœur. Dites mille choses pour moi à vos parents et amis. J’embrasse vos petits garçons, et même le grand Armand[2] : comme c’est de bien loin, il n’y

  1. Petit nom d’amitié donné entre la Reine et Mme de Polignac au Dauphin.
  2. Armaud-Jules-Marie-Heraclius de Polignac, né le 10 janvier 1771, fils aîné du duc et de la duchesse de Polignac, émigré avec ses parents. Impliqué en 1803 dans la conjuration de Georges Cadoudal, il fut sauvé par l’intervention de Joséphine et incarcéré, à Ham, d’où il s’évada en 1813. Pair de France sous la Restauration, il mourut en 1847.