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Je crains pour moi personnellement tous les mouvements de cette province ; quelque chose qui arrive, on persuadera au peuple d’ici que c’est des Allemands, et que par conséquent j’y suis pour beaucoup. Vous trouverez peut-être de la puérilité dans mes craintes ; mais j’ai besoin d’une circonspection et d’une prudence au-dessus de tout pour ramener la confiance en moi. Mon rôle à présent est de me renfermer absolument dans mon intérieur, et de tâcher, par une inaction totale, à faire oublier toute impression sur moi, en ne leur laissant que celle de mon courage, qu’ils ont si bien éprouvé et qui saura leur en imposer dans l’occasion. Je ne dois donc avoir aucune influence marquée, ni dans le choix des personnes à placer, ni dans les affaires ; mais on parle de tant de manières différentes sur tous ces objets, que je voudrais pour moi seule avoir des idées fixes et arrêtées. Je vous prierai donc, Monsieur le baron, de me mander vos opinions. Vous devez compter sur le plus grand secret votre caractère, votre esprit et votre loyauté m’assurent du vôtre. Il serait bien à désirer que tout le monde pensât comme vous, et qu’en voulant le bien même on eût autant de prudence nous n’en serions peut-être pas aujourd’hui où nous en sommes ; mais le mal est fait, la position est affreuse, il faut savoir s’en tirer, non avec des moyens violents — ils manqueraient tous, nous ne sommes pas les plus forts, — mais avec une suite et une constance d’idées et de marche qui déjoue tous projets de mal. La nécessité obligera peut-être à se servir de personnes....

Je suis interrompue : on m’apporte l’arrêté d’aujourd’hui ; il couronne tout ce qu’on a fait jusqu’ici[1]. Mais

  1. Sur la proposition du Comité des rapports, l’Assemblée, ajournant le débat sur la question des vœux religieux, avait défendu leur émission dans tous les monastères de l’un et de l’autre sexe.