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lettres à Mme de M….[1] cela me fait plaisir ; j’y vois au moins de votre écriture et que vous m’aimez toujours. J’en ai grand besoin, car je suis bien triste et affligée. Depuis quelques jours, les affaires paraissent prendre une meilleure tournure mais on ne peut se flatter de rien les méchants ont un si grand intérêt et tous les moyens de retourner et empêcher les choses les plus justes Mais le nombre des mauvais esprits est diminué, ou au moins tous les bons se réunissent ensemble, de toutes les classes et de tous les ordres. C’est ce qui peut arriver de plus heureux.

J’ai écrit à votre cousine pour lui dire adieu, ainsi qu’à sa mère. J’ai pleuré de sa réponse. Je ne vous dis point d’autre nouvelle, parce qu’en vérité, quand on est au point où nous en sommes, et surtout aussi éloignées l’une de l’autre, le moindre mot peut ou trop inquiéter ou trop rassurer. Mais comptez toujours que les adversités n’ont pas diminué ma force et mon courage. Je n’y perdrai rien ; mais seulement elles me donneront plus de prudence. C’est bien dans des moments comme ceci que l’on apprend à connaître les hommes et à voir ceux qui sont véritablement attachés ou non. Je fais tous les jours des expériences sur cela, quelquefois cruelles, mais d’autres bien douces, car je retrouve tout plein de personnes vraiment et sincèrement attachées, auxquelles je ne pensais seulement pas.

De la main de Madame Royale.

Madame, j’ai été bien fâchée de savoir que vous étiez partie. Mais soyez bien sûre que je ne vous oublierai jamais.

  1. Mme de Mackau, sous-gouvernante des Enfants de France.