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le disait a personne ; cependant, dès la veille, M. d Aiguillon avait été l’annoncer à Mme de Cossé, et il y avait cinquante personnes dans la confiance. Je me suis plainte au Roi du ridicule que me donnait l’indiscrétion de ses confidents ; il m’a bien reçue et m’a dit qu’il en était fâché. J’ai pris Mme la duchesse de Luxembourg[1], fille de M. de Paulmy, à la place de Mme de Boufflers ; elle est jeune et paraît bonne enfant ; dans ce moment-ci on n’a pas trop le choix des dames, à cause des tracasseries des affaires et de la favorite.

Vous saurez sûrement, ma très chère maman, le malheur de Mme la duchesse de Chartres[2], qui vient d’accoucher d’un enfant mort ; quoique cela soit terrible, je voudrais pourtant en être là, mais il n’y en a pas encore d’apparence.

On dit que l’abbé de Langeac est à Vienne avec le coadjuteur ; c’est un fort mauvais sujet et est fils bâtard de la Sabatin, maîtresse de M. de la Vrillière[3]  ; celle du contrôleur général[4] a été chassée, atteinte et convaincue d’avoir vendu tous les emplois ; je voudrais bien que toutes les autres fussent chassées de même.

  1. Madeleine-Suzanne-Adélaïde de Voyer d’Argenson de Paulmy, duchesse de Luxembourg, née le 25 janvier 1752, mariée le 9 avril 1771 au fils du duc de Bouteville, qui fut président de la noblesse de Poitou aux États généraux.
  2. Louise-Marie-Adélaïde de Bourbon, fille du duc de Penthièvre, mariée au duc de Chartres, plus tard duc d’Orléans (Philippe Égalité).
  3. Louis Phelypeaux, comte de Saint-Florentin, çréé duc de la Vrillière en 1770, était ministre depuis 1725. On l’appelait le petit duc, à cause de sa taille. Comme il avait dans son département les lettres de cachet, il fut l’un des ministres les plus décriés de Louis XV. Il avait eu pour maîtresse une femme Sabatin, qui, devenue veuve, se remaria avec un comte de Langeac et légitima ainsi les nombreux enfants qu’elle avait eus du duc de la Vrillière. Celui-ci fut renvoyé en 1775 et remplacé par Malesherbes. Le duc de la Vrillière était né en 1704 ; il avait épousé en 1724 la comtesse Anne-Amélie de Platin, dont il se sépara en 1767. Il mourut à Paris à la fin de février 1777 et fut enterré sans pompe, le 2 mars, à sa terre de Châteauneuf-en-Loire, qu’il avait fait ériger en duché-pairie sous le nom de la Vrillière.
  4. L’abbé Terray.