Page:Lettres de Marie-Antoinette - recueil des lettres authentiques de la reine, éd.La Rocheterie, 1895, Tome I.djvu/146

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La mort de Mme de Villars[1] m’a donné bien de la tracasserie. M. de la Vauguyon m’a persécutée jusqu’à faire écrire M. le Dauphin (qui dans le fond ne s’en soucia pas) à M. d’Aiguillon pour me faire parler en faveur de Mme de Saint-Mégrin[2] dame d’atours, à la place de la duchesse de Villars. La Dauphine avait écrit au Roi pour le supplier de ne pas faire cette nomination, et le Roi avait répondu : « Je ne suis pas surpris que Mme de Saint-Mégrin ne vous convienne pas, elle est trop jeune et par trop bête. » Ce second mot avait été effacé ; mais il était visible par les ratures.</ref>. Quoiqu’on vous dise que je n’ose pas parler au Roi, je lui ai parlé, du consentement de M. le Dauphin, et il m’a autorisée à le refuser. Je l’ai prié en même temps de vouloir bien agréer une de mes dames pour la place de dame d’atours, qu’il a refusée par l’instigation de Mme du Barry. On m’a donné la duchesse de Cossé[3], fille de M. de Nivernais[4] et belle-fille du maréchal de Brissac[5] ; elle a très bonne réputation. Le Roi m’avait chargée de lui apprendre sa nomination, en me marquant qu’il ne

  1. Dame d’atours de la Dauphine, — Amable-Gabrielle de Noailles, née en 1706, mariée à Henri-Armand, duc de Villars ; elle était morte le 15 septembre.
  2. Belle-fille du duc de la Vauguyon. On sait combien Marie-Antoinette avait peu de sympathie pour toute cette famille. Depuis un certain temps déjà la cabale s’agitait pour faire nommer la marquise de Saint-Mégrin
  3. Adélaïde-Diane-Hortense-Délie Mancini de Nevers, celle qu’on nommait Mancinetta, fille du duc de Nivernais, mariée le 14 avril 1760 au duc de Cossé-Brissac ; femme charmante, « aimée et respectée de tous pour ses vertus et l’agrément de son esprit, » écrivait le comte de Creutz. Forcée de quitter la cour en 1775 pour sa santé et celle de son fils, elle fit à la Reine, avant de partir, de très sages observations : ce qu’elle nomma son testament de fidélité. Son mari, intime de Mme du Barry, mais très dévoué à Louis XVI, commanda la garde constitutionnelle en 1792, fut renvoyé devant la haute Cour d’Orléans et massacré à Versailles le 9 septembre 1792.
  4. Louis-Jules-Barbon Mancini-Mazarini, duc de Nivernais, né le 16 décembre 1716, le type du grand seigneur ami des lettres et des arts, littérateur lui-même, diplomate, membre de l’Académie française, respecté de tous même pendant la Révolution, mort le 27 février 179s. On peut consulter sur le duc de Nivernais les deux très intéressants volumes de M. Lucien Perey : Un petit-neveu de Mazarin et La fin du XVIIIe siècle.
  5. Jean-Paul-Timoléon de Cossé, duc de Brissac, né le 12 octobre 1698, maréchal de France en 1768, mort le 17 décembre 1780.