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Vous me permettrez de m’excuser sur tous les points que vous me mandez. Premièrement, je suis au désespoir que vous ajoutiez foi à tous les mensonges qu’on vous mande d’ici, de préférence il ce que peut vous dire Mercy et moi. Vous croyez donc que nous voulons vous tromper. J’ai bien des raisons de croire que le Roi ne désire pas de lui-même que je parle à la Barry, outre qu’il ne m’en a jamais parlé. Il me fait plus d’amitiés depuis qu’il sait que j’ai refusé, et, si vous étiez à portée de voir comme moi tout ce qui se passe ici, vous croiriez que cette femme et sa clique ne seraient pas contents d’une parole, et ce serait toujours à recommencer. Vous pouvez être assurée que je n’ai pas besoin d’être conduite par personne pour tout ce qui est de l’honnêteté. Pour les Broglie, si vous étiez mieux informée, ma chère maman, vous sauriez qu’un petit Broglie manque dans ce pays-ci comme il ne manquerait pas à Vienne. J’ai écrit avec toute l’honnêteté possible à Mme de Boufflers[1] que le Roi n’accorde pas ce qu’elle demandait ; les Broglie ont jugé à propos de tourner ma lettre en ridicule et en ont donné des copies ; ce n’est pas là un travers pris pour quelqu’un à ma suite.

J’étais bien fâchée de ne pouvoir faire l’affaire de Mme de Bussy ; j’ai mandé dans le temps à la princesse Charlotte[2] que j’avais tout tenté et que cela était impossible, vu la naissance de M. de Bussy[3], quoique la sienne soit très bonne.

  1. La duchesse de Boufflers, née Montmorency, était belle-fille de la maréchale de Luxembourg. Sa fille fut la charmante Amélie de Boufflers, l’épouse délaissée du trop fameux duc de Lauzun.
  2. La princesse Charlotte de Lorraine, abbesse de Remiremont, tante de Marie-Antoinette.
  3. Charles-Joseph Patissier, marquis de Bussy-Castelnau, un des plus brillants lieutenants de Dupleix dans l’Inde. Sa femme était Mlle de Messey, parente de Choiseul, elle demandait à être présentée à la cour.