elle m’en a parlé très raisonnablement et s’est très bien conduite le jour qu’à Marly elle était assise à côté d’elle.
Je suis au désespoir que Votre Majesté puisse croire que je lui ai manqué de parole pour la chasse à cheval, n’y ayant été qu’une fois à celle du daim, et ne l’ayant pas même bien suivie[1].
Nous sommes arrivés hier de Marly ; pour moi, je suis revenue à pied. Je suis bien fâchée de me retrouver à Versailles, m’étant très bien amusée à Marly. Il y avait beaucoup de monde ; on y jouait avant et après souper ; pendant une absence du Roi nous avons dansé une fois, ce qui était fort gai ; ma sœur[2] en a paru enchantée. Nous partirons le 16 du mois prochain pour Compiègne.
Je ne vous parle point, ma chère maman, de la nomination de M. d’Aiguillon[3], ne me mêlant point d’affaires. L’on dit que c’est le coadjuteur de Strasbourg[4] qui doit aller à Vienne. Il est de très grande maison, mais la vie
- ↑ Marie-Thérèse redoutait pour sa fille l’exercice du cheval, pour lequel, en revanche, la Dauphine avait un goût extrême. La jeune princesse commença par monter à âne ; puis un beau jour, excitée par ses tantes, encouragée d’ailleurs par le Roi et par son mari, elle sauta sur un cheval, qu’on avait, conduit secrètement, à un endroit marqué de la forêt de Fontainebleau. Elle promit bien à sa mère de ne pas suivre de chasses ; mais le goût était si vif et les occasions si tentantes, que Marie-Thérèse finit par se relâcher de sa sévérité, se bornant à des recommandations de prudence qui furent habituellement observées.
- ↑ La comtesse de Provence
- ↑ Armand de Vignerod, duc d’Aiguillon, protégé de Mme du Barry. Gouverneur de Bretagne, il avait eu de longs démêlés avec le Parlement de Rennes et le procureur général La Chalotais ; et, après sa révocation, il avait été flétri par le Parlement de Paris, comme « prévenu de faits qui entachaient son honneur ». On l’avait même accusé de s’être caché dans un moulin, lors de la descente des Anglais à Saint-Cast ; mais le fait semble faux. Quoi qu’il en soit, il fut un des adversaires acharnés de Marie-Antoinette, surtout lorsque, devenue reine, elle l’eut fait renvoyer et exiler. Né en 1720, il mourut en 1788.
- ↑ Louis-René-Édouard, prince de Rohan, le trop célèbre héros du Procès du Collier. Marie-Thérèse le redoutait instinctivement, et l’on voit avec quelle juste sévérité Marie-Antoinette le jugeait dès le début.