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ans et qui a toujours été élevé ici. Le Roi lui a fait dire de s’en aller, de même qu’aux autres princes, à qui il a donné défense de paraître devant lui et devant nous. Les ducs, quoiqu’ils y ont été, ils ont protesté, et il y en a douze d’exilés à ce que l’on dit.

Il y aura aujourd’hui un mois que je pourrai déjà donner des nouvelles à Votre Majesté de la comtesse de Provence[1], car le mariage est le 14 de mai ; on avait préparé beaucoup de fêtes pour ce mariage, mais ou en retranche, manque d’argent.

Votre Majesté peut être fort rassurée sur ma conduite avec la comtesse de Provence, et je tâcherai sûrement de gagner son amitié et sa confiance, sans pourtant aller trop loin. Mais j’ai bien peur que si elle n’a pas beaucoup d’esprit et n’est pas prévenue, qu’elle sera tout à fait pour Mme du Barry. On fait tout ce qu’on peut pour la gagner, car sa dame d’atour, qui est Mmme de Valentinois[2], est tout à fait de ce parti-là. Il y a aussi Mme de Caumont[3] qui va à sa rencontre (c’est celle qui a brouillé feu Mme la Dauphine avec tout le monde), et M. de Saint-Mégrin[4], fils de M. de


    grand-père du malheureux due d’Enghien. La Dauphine pouvait d’autant plus justement s’étonner de le voir parmi les protestataires,qu’il passait pour être en excellents termes avec le chancelier, dont l’avait rapproché une commune haine contre Choiseul.

  1. Joséphine-Louise de Savoie, alors fiancée au comte de Provence, frère du Dauphin. Marie-Thérèse était alarmée de son arrivée à Versailles, craignant qu’on ne voulût l’opposer à saillie. Les ennemis de la Dauphine s’y essayèrent en effet, mais sans succès.
  2. La comtesse de Valentinois était petite-fille du duc de Saint-Simon et l’une des familières de la comtesse du Barry. Elle avait eu même, l’année précédente, un conflit avec une dame du palais de la Dauphine, la comtesse de Gramont, conflit à la suite duquel cette dernière avait été éloignée de la cour. Il avait fallu l’intervention de Marie-Antoinette pour obtenir la grâce de l’exilée au bout de quelques mois. La comtesse de Valentinois mourut en 1774.
  3. Sans doute Marie-Louise de Noailles, veuve du duc de Caumont.
  4. François-Paul de Quélen, marquis de Saint-Mégrin, duc de la Vauguyon à la mort de son père en 1772 après avoir servi pendant la