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lui dirai que je n’ai communié qu’une seule fois ; je me suis confessée avant-hier à M. l’abbé Modoux, mais, comme c’était le jour que j’ai cru partir pour Choisy, je n’ai point communié, ayant cru d’avoir trop de distraction ce jour-là. Notre voyage à Choisy a retardé d’un jour, mon mari ayant eu un rhume avec de la fièvre ; mais cela s’est passé dans un jour, car, ayant dormi douze heures et demie tout de suite, il s’est trouvé très bien portant et en état de partir. Nous sommes donc depuis hier ici, où on est depuis une heure, où l’on dine, jusqu’à une heure du soir sans rentrer chez soi, ce qui me déplaît fort ; car après le dîner l’on joue jusqu’à six heures, que l’on va au spectacle qui dure jusqu’à neuf heures et demie, et ensuite le souper, de là encore jeu jusqu’à une heure et même la demie quelquefois ; mais le Roi, voyant que je n’en pouvais plus hier, a eu la bonté de me renvoyer à onze heures, ce qui m’a fait grand plaisir, et j’ai très bien dormi jusqu’à dix heures et demie, quoique seule : mon mari, étant encore au régime, est rentré avant souper et s’est couché tout de suite chez lui, ce qui n’arrive jamais sans cela.

Notre Majesté est bien bonne de vouloir bien s’intéresser à moi et même de vouloir savoir comme je passe ma journée. Je lui dirai donc que je me lève à dix heures ou à neuf heures et demie, et, m’ayant habillée, je dis mes prières du matin ; ensuite je déjeune, et de là je vais chez mes tantes[1], où je trouve ordinairement le Roi. Cela dure jusqu’à dix heures et demie ;

  1. Les tantes, ou Mesdames, étaient les trois filles non mariées de Louis XV : Mme Adélaïde, née en 1732; Mme Victoire, née en 1733, Mme Sophie, née en 1734. Le Roi allait beaucoup chez ses filles, et c’était dans leur appartement que le matin il allait habituellement prendre son café. Il y avait une quatrième tante, Mme Louise, née en 1735, et entrée le 11 avril 1770 au couvent des Carmélites de Saint-Denis, où elle mourut en odeur de