Page:Lettres de Marie-Antoinette - recueil des lettres authentiques de la reine, éd.La Rocheterie, 1895, Tome I.djvu/131

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à son avantage. Il marque beaucoup d’amitié pour moi et même il commence à marquer de la confiance. Il n’aime certainement point M. de la Vauguyon[1], mais il le craint. Il lui est arrivé une singulière histoire l’autre jour. J’étais seule avec mon mari, lorsque M. de la Vauguyon approche d’un pas précipité à la porte pour écouter. Un valet de chambre, qui est sot ou très honnête homme, ouvre la porte, et M. le duc s’y trouve planté comme un piquet sans pouvoir reculer. Alors je fis remarquer à mon mari l’inconvénient qu’il y a de laisser écouter aux portes, et il l’a très bien pris.

Comme j’ai promis à Votre Majesté de lui dire la moindre indisposition, je lui dirai donc que j’ai eu un peu de dévoiement, mais la diète l’a fait finir. Mon mari a eu en même temps une indigestion, mais cela ne l’a pas empêché d’aller à la chasse.

J’ai aujourd’hui un grand embarras. Je me confesserai à cinq heures à l’abbé Modoux[2], Mercy et

  1. Antoine-Paul-Jacques de Quélen, duc de la Vauguyon, né en 1706, mort en 1772. Le duc de la Vauguyon avait été gouverneur de Louis XVI et de ses frères, et, grâce à l’influence que lui donnait ce titre, il était devenu, avec la comtesse de Marsan, un des chefs du parti des dévots, parti opposé à Choiseul, et par conséquent peu sympathique à Marie-Antoinette. Le duc avait servi avec honneur, mais s’était rendu ridicule par son excessive vanité. On peut lire dans la Correspondance de Grimm, au tome VII, son pompeux billet de mort, dont la cour et la ville firent des gorges chaudes.
  2. L’abbé Maudoux (et non Modoux, comme l’écrivait Marie-Antoinette), né à Paris en 1724, successivement vicaire de Saint-Paul et de Saint-Louis en l’Ile, puis curé de Bretigny, avait été nommé confesseur du Roi à la fin 1764, et confesseur de la Dauphine en 1770, après une conférence entre le duc de Choiseul, le prince de Starhemberg, l’évêque d’Orléans et la comtesse de Noailles. C’était un prêtre excellent, « d’une probité et piété reconnues, » si désintéressé que, malgré son séjour et sa situation à la cour, il ne sollicita jamais une abbaye. Un de ses parents l’ayant prié d’en demander une pour lui, elle reçut que cette belle réponse : « L’Église a besoin de bons vicaires et de bons curés, elle n’a besoin ni de bénéficiera ni de pensionnaires. » Un moment confesseur de Louis XVI et de ses frères, après la mort de l’abbé Soldini, et, quoique maintenu avec ce titre à l'Almanach royal en 1778 et même IJ29, l’abbé Maudoux dut quitter la cour, il cause de l’état