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main pour Choisy[1] je n’ai pas voulu attendre les lettres que Mercy[2] doit m’apporter ce soir, de peur de n’avoir pas le temps de répondre ; ainsi je me le réserve pour une autre occasion.

    J’ai oublie de lui dire que j’ai ecrie hier la premier foi au Roi j’en ait eu grande peur sachant que Md. du Barry les lit toutte mais vous pouvez être bien persuadée ma tres chere Mere que je ne ferai jamais de faute n y pour n’y contre elle.

    « Votre Majesté permettera que je lui envoye une lettre pour Naple dans laquelle J’avertis ma sœur d’envoyer ses lettres par Vienne. J’ai l’honneur d’etre avec la plus respectueuse tendresse

    « la plus tendre

    « et soumisse fille

    Antoinette.

  1. Le château de Choisy, construit par la grande Mademoiselle, fille de Gaston d’Orléans, avait été racheté par Louis XV à la princesse de Conti. Il fut alors considérablement augmenté et richement décoré. C’était une des résidences entre lesquelles la cour, sous Louis XV et au commencement du règne de Louis XVI, partageait son été. Il n’en reste rien aujourd’hui que quelques peintures, transportées aux musées du Louvre ou de Versailles.
  2. Florimond-Claude, comte de Mercy-Argenteau, d’une très ancienne famille seigneuriale du pays de Liège, naquit à Liège, le 20 avril 1727. Après avoir achevé son éducation à l’Académie de Turin, alors fort en vogue, il entra dans la carrière diplomatique vers 1750 et fut en 1752 chevalier d’ambassade à Paris, près du comte, depuis prince de Kaunitz, qui l’appréciait fort. Nommé en 1754 ministre d’Autriche près du roi de Sardaigne, puis en 1761 à Saint-Pétersbourg, où il fut témoin de la révolution qui mit Catherine II sur le trône ; un moment ambassadeur en Pologne, où il essaya vainement de soutenir le parti patriote contre Poniatowski et les amis de la Russie, il vint en 1766 remplacer en France comme ambassadeur le prince de Stahrenberg. C’est à ce titre qu’il négocia avec Choiseul le mariage du Dauphin avec Marie-Antoinette et qu’il reçut la jeune archiduchesse à son arrivée à Versailles. C’est à ce titre aussi qu’il fut chargé par Marie-Thérèse d’être le guide et le mentor de sa fille. « Voyez souvent Mercy, suivez tous les conseils qu’il vous donnera ; Mercy est chargé de vous parler clair, » répétait sans cesse l’Impératrice à Marie-Antoinette. Et en effet, pendant cette période de 1770 à 1780, les rapports secrets de l’ambassadeur, publiés par M. le chevalier d’Arneth et M. Geffroy, sont la source la plus précieuse et la plus sûre à laquelle puisse puiser l’historien de la Reine ; on y suit sa vie et sa pensée jour par jour et presque heure par heure. Après la mort de Marie-Thérèse, le rôle de Mercy, sans diminuer d’importance, change un peu de nature : il est plus politique et moins intime ; on le sent à la lecture de ses rapports à. Joseph II et au prince de Kaunitz, publiés, eux aussi, par M. le chevalier d’Arneth et M. Flammer