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ne serait plus qu’une révolte du tempérament, et il ne serait pas le remords. Ce qui fait la puissance et le triomphe du bien, c’est que même la chair assouvie, la passion satisfaite, il s’éveille et brûle dans le cerveau. Une tempête sous un crâne est un spectacle sublime : une tempête dans les reins est un spectacle ignoble.


La première fois que Thérèse aperçoit l’homme qu’elle doit aimer, voici comment s’annonce la sympathie : « La nature sanguine de ce garçon, sa voix pleine, ses rires gras, les senteurs âcres et puissantes qui s’échappaient de lui troublaient la jeune femme et la jetaient dans une sorte d’angoisse nerveuse. »

Ô Roméo ! ô Juliette ! quel flair subtil et prompt aviez-vous pour vous aimer si vite ? Thérèse est une femme qui a besoin d’un amant. D’un autre côté, Laurent, son complice, se décide à noyer le mari après une promenade où il subit la tentation suivante : « Il sifflait, il poussait du pied les cailloux, et par moments il regardait avec des yeux fauves les balancements des hanches de sa maîtresse. »

Comment ne pas assassiner ce pauvre Camille, cet être maladif et gluant, dont le nom rime avec camomille, après une telle excitation ?

On jette le mari à l’eau. À partir de ce moment, Laurent fréquente la Morgue jusqu’à ce que son noyé soit admis à l’exposition. L’auteur profite de l’occasion pour nous décrire les voluptés de la Morgue et ses amateurs.

Laurent s’y délecte à voir les femmes assassinées. Un jour il s’éprend du cadavre d’une fille qui s’est pendue ; il est vrai que le corps de celle-ci, « frais et gras, blanchissait avec des douceurs de teinte d’une grande délicatesse… Laurent la regarda longtemps, promenant ses regards sur la chair, absorbé dans une sorte de désir peureux. »