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LETTRES DE FERRAGUS


III

La Littérature putride


J’ai reçu, à propos de ma dernière lettre, le compliment anonyme d’un étranglé qui m’envoie un sonnet presque sans défaut. Je regrette de ne pouvoir le citer, tout entier ; il vaut mieux que le sonnet d’Oronte, et Alceste n’en blâmerait pas le tour vif et hardi.

En voici la conclusion :

Ton article est viril et ferme, Ferragus,
Il est beau de flétrir ce misérable abus
De la force essayant de tuer la pensée ;

Mais il ne faudrait pas désespérer sitôt,
On ne nous brûle pas pour sentir le fagot,
Et notre honneur est sauf, si notre âme est blessée !


En êtes-vous bien sûr, jeune poëte, jeune rêveur, jeune étranglé, que l’honneur soit sauf ! Si nous mourons de la maladie de François Ier, ce n’est pas hélas ! de la maladie de Pavie. Nous ne sommes pas seulement captifs ; nous sommes gangrenés.

C’est là le sujet intéressant que je me propose de traiter aujourd’hui, et nous jugerons de la blessure par l’infection qui s’en exhale.

L’obscénité elle-même, il faut bien le dire, a sa pudeur ; c’est la santé. Admirer dans son ensemble et dans ses détails le corps, plus ou moins bien fait, de mademoiselle Delval, le comparer à celui de mademoiselle Silly, sa sœur, ce n’est pas d’une moralité littéraire bien élevée ; mais enfin, l’illusion plastique est satisfaite, et ces exhibitions vivantes sont après tout un hymne brutal à la vie.