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les sauvages se défigurent pour se rendre effroyables, j’en conclus qu’ils placent au-dessus de tout la force brutale. C’est pourquoi, j’éprouvais aujourd’hui un sentiment d’humiliation pénible, en voyant tous les efforts de mes compatriotes pour se donner l’air farouche : pourquoi cette barbe et ces moustaches ? Pourquoi ce tatouage militaire ? À qui veulent-ils faire peur et pourquoi ? La peur ! Est-ce là le tribut que mon pays apporte à la civilisation ?

Ce ne sont pas seulement les commis voyageurs qui donnent dans ce ridicule travers ; ne serait-ce pas aux femmes à le combattre ? Mais, est-ce là tout ce que je rapporte d’Anvers ? Il valait bien la peine de faire des lieues sans fin ni compte. J’ai vu des Rubens dans leur patrie ; vous pensez bien que j’ai cherché dans la nature vivante les modèles de ces amples carnations que reproduit si complaisamment le maître de l’école flamande. Je ne les ai pas trouvés, car vraiment, je crois que la race brabançonne est au-dessous de la race normande. On me dit d’aller à Bruges ; j’irais à Amsterdam si c’était mon type de prédilection ; ces chairs rouges ne sont pas mon idéal. Le sentiment,