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vous qu’il y ait jamais eu autant de poésie dans une des héroïnes de l’antiquité que dans une femme de notre époque ? Que leur esprit fût aussi cultivé, leurs sentiments aussi délicats, qu’elles eussent la même tendresse de cœur, la même grâce de mouvements et de langage ?

Oh ! ne calomnions pas la civilisation !

Pardonnez-moi, mesdames, cette dissertation, vous l’avez voulue, en me disant d’écrire au hasard, avec abandon ; c’est ce que je fais ; il faut bien que je laisse aller la tête, car deux sources d’idées me sont fermées : les yeux et le cœur ; mes pauvres yeux ne savent pas voir ; la nature leur a refusé l’étendue et la rapidité ; je ne puis donc faire ni descriptions de villes ou de paysages. Quant à mon cœur, il en est réduit à essayer d’aimer une abstraction, à se passionner pour l’humanité, pour la science ; d’autres portent leurs aspirations vers Dieu ; ce n’est pas trop des deux ; c’est ce que je pensais, tout à l’heure en sortant d’une salle d’asile dirigée par des religieuses vouées à soigner des enfants malades, idiots, rachitiques, scrofuleux ; quel dévouement ! quelle abnégation ! Et après tout cette vie de sacrifice