Page:Lettres d’un habitant des Landes, Frédéric Bastiat.djvu/130

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mes amis. Encore je m’avise de trouver le héros de Victor Hugo bien heureux ; car enfin il pouvait penser et parler ; il était dans la même position que Socrate, pourquoi n’a-t-il pas pris les choses comme lui ?

Ce petit livre que je vous ai demandé nous montre ce philosophe athénien, condamné à mort, dissertant sur son âme et son avenir ; cependant Socrate était païen, il était réduit à se créer, par le raisonnement, des espérances incertaines. Un condamné chrétien n’a pas ce chemin à parcourir ; la révélation le lui épargne, et son point de départ est précisément cette espérance, devenue une certitude, qui pour Socrate était une conclusion. Voilà pourquoi le condamné de Victor Hugo n’est qu’un être pusillanime. Ne vaut-il pas mieux avoir devant soi un mois de force et de santé, un mois de vigueur de corps et d’âme, et la ciguë au bout, qu’un an ou deux de déclin, d’affaiblissement, de dégoût, pendant lesquels tous les liens se rompent, la nature ne semblant plus prendre d’autre soin que de vous détacher de la terrestre existence ? Enfin, à Dieu d’ordonner, à nous de nous résigner.

Il me paraît bien que je suis un peu mieux ;