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Vous savez que, résolu à prendre la voie de terre, j’ai laissé partir le bateau du 19. Dès lors un jour plus tôt ou plus tard n’importait guère, et je ne pouvais me décider à quitter Marseille, sachant qu’une de vos lettres était sur le point d’arriver. J’ai attendu et j’ai bien fait, puisque je reçois enfin vos encouragements si bienveillants, si affectueux, et de plus je sais la grande détermination prise à la Jonchère.

Bref, hier je devais partir par la diligence, mais je ne me dissimulais pas que, pour éviter le Lazaret, je tombais dans d’autres inconvénients : traverser des flots de poussière, aller d’auberge en auberge, de voiturin en voiturin, lutter du larynx avec les portefaix ; toute cela ne me souriait guère. À 11 heures, lisant le journal de Marseille, je vis que le Castor partait pour Livourne dans l’après-midi. Quoique vous me recommandiez d’éviter l’imprévu, je fis arrêter et payer une place, pensant que la quarantaine devrait s’avaler d’un trait en fermant les yeux. Le soir la mer fut si grosse que le bateau ne sortit pas, et voilà comment je griffonne maintenant cette épître pendant qu’on lève l’ancre.