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Dès qu’ils eurent cessé de parler, le roi, les grands dignitaires et les satrapes du royaume se levèrent, laissant voir sur leurs visages la tristesse qu’ils ressentaient tous à cause de son départ[1]. Le roi, après s’être rendu à son palais, lui envoya beaucoup de présents[2] ; mais l’apôtre lui fit dire : « Je n’ai rien reçu de vous quand je suis venu ici[3], et je ne veux pas enfreindre la parole de Jésus-Christ qui a donné l’ordre suivant : Ne recevez rien de personne, et n’accumulez point d’argent dans ce monde[4] ». L’apôtre prolongea son séjour dans la ville de trois jours encore, et sa doctrine fut embrassée par le roi, les satrapes et les princes ; le quatorzième jour du mois maréri[5], qui était jeudi, il leva ses mains vers le ciel[6], adressa pour ses néophytes des prières à Dieu, les bénit et se mit en route pour aller prêcher l’évangile de Jésus-Christ dans les autres pays de l’Orient. Et tous les habitants d’Édesse, tant chrétiens que Juifs et gentils, étaient accablés de la plus profonde douleur en voyant l’apôtre s’éloigner de leur ville[7] ; c’est à peine s’ils purent le laisser partir au milieu de torrents de larmes. Mais le roi Abgar paraissait beaucoup plus attristé qu’aucun autre, même parmi les princes et les hauts fonctionnaires ; sa désolation était telle que, dédaignant de chercher quelque allégement dans les honneurs royaux, il refusa de manger et de boire le

  1. Comme nous avons indiqué (N. 2, pg. 46) le texte syrien va jouer ici le rôle de la mort de l’Apôtre : il dit en conséquence, « parce qu’il allait mourir ».
  2. Le syrien : « beaucoup de robes précieuses, pour qu’il en pût être enveloppé dans son enterrement ».
  3. Le syrien : « ni dans ma vie, ni maintenant que je vais mourir ».
  4. C’est le sens des paroles de Notre Sauveur, mais il n’est pas dit ainsi mot à mot.
  5. Le 14 du mois iar selon le syrien ce qui correspond aux 14 d’avril, et qui tombait en effet un jeudi l’année 36 de l’ère vulgaire, année que l’histoire de notre nation constate comme celle du départ de Thaddée de chez Abgar vers la Grande Arménie.
  6. Le syrien : « il abandonna le monde », c’est-à-dire il mourut.
  7. Ici le syrien ne dit ni mort ni départ, mais purement qu’on s’affligeait pour lui.