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Après quelques années de la fondation de l’église d’Ourha bâtie par l’apôtre Addée et fournie de tout ce qui était nécessaire, l’apôtre fit beaucoup de disciples dans la ville et dans les autres villages voisins et lointains ; il érigeait des églises, les ornait et y établissait des prêtres, des diacres et des lecteurs[1], en leur enseignant les cérémonies du culte à l’intérieur et à l’extérieur.

Sur ces entrefaites, l’apôtre Addée conçut la pensée de visiter[2] les contrées de l’Orient et l’Assyrie pour y prêcher et enseigner la nouvelle doctrine du Christ et pour construire des églises dans toutes les provinces et dans tous les villages. Et ayant convoqué tout le peuple et tous les princes qui étaient dans la ville, il nomma évêque en sa place le faiseur d’étoffes qui, comme lui, s’appelait Addée ; ensuite, il promut Philote[3] à la prêtrise, et Absalima au diaconat. Et pendant que les satrapes et les chefs de la ville Barschalaba fils de Zadé, Marihab fils de Barshamsha, Snaca fils de Patrique[4] et plusieurs autres de leurs collègues s’étaient rassemblés autour de lui, l’apôtre prit la parole et leur dit :

  1. Il est peu probable qu’au temps de Thaddée il existât des lecteurs (ordre mineur) dans l’église.
  2. Ce mot visiter ou aller manque dans notre texte : mais le fait le plus curieux c’est qu’à partir de ce moment les deux textes, le syrien et l’arménien se séparent l’un de l’autre ; en ce sens que tandis que le dernier raconte le départ de Thaddée comme pour s’en aller en Orient, le premier nous montre son départ de la vie : le voyage de notre texte arménien est la préparation de la mort dans le syrien. Si cela était vrai, il faudrait tout-à-fait renverser l’édifice de notre histoire et de notre croyance ecclésiastique, qui soutient sans jamais en avoir douté, que l’apôtre Thaddée après avoir accompli sa mission chez Abgar, s’en alla, avec des lettres de recommandation de ce roi, en Arménie, chez Sanadroug, neveu d’Abgar et roi du pays, où il convertit la fille de ce dernier roi, qui enfin les fit martyriser tous les deux, et sa fille (Santoukhde) et l’Apôtre.
  3. Le syrien ajoute en prévenant qui était dans l’ordre des diacres ; comme ensuite pour Absalima, qui était clerc ou lecteur : tous les deux semblent d’une rédaction plus moderne.
  4. Le texte syrien dit Senac fils d’Avida et Péroze fils de Patrice ; il faut que le copiste arménien ait ici fait une méprise. Tacite (Annal. VI, 31, 32) fait mention d’un Sinnace envoyé par les Parthes à la cour de Tibère.