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LETTRE À M. ERNEST RENAN

Pour cela j’eus recours à une feinte bien excusable. J’écrivis à chacune des personnes que l’on donnait au Brésil, à Rio de Janeiro surtout, comme s’occupant de langues orientales. Il y en avait cinq : quatre étrangers et un Brésilien. Celui-ci m’était connu depuis longtemps et sous plus d’un rapport ; il m’était insuspect. Je connaissais mal les autres ; je m’adressai pourtant à chacun d’eux et leur envoyai une copie de mon interprétation, en leur demandant leur avis sur la nature de l’inscription et sur mon essai de traduction.

À chaque réponse que je recevais, j’en comparais minutieusement l’écriture avec celle de la lettre écrite trois ans auparavant par le supposé Joaquim Alves da Costa au marquis de Sapucahy, lettre que j’avais toujours devant les yeux, que je connaissais si bien et qui était probablement oubliée par son auteur. La réponse si anxieusement désirée me parvint enfin, elle était à n’en pas douter de la même main qui avait trace l’ancienne missive. L’émotion que je ressentis à la vue de ce document précieux fut telle que, tout en procédant à une comparaison superflue, j’avais de la peine à en croire mes yeux, malgré l’évidence, claire et nette, de la parfaite ressemblance entre les deux écritures. Il m’en coûtait d’autant plus de me rendre à cette évidence qu’il s’agissait d’un homme distingué, profond érudit et dont le caractère social respectable m’imposait la plus grande circonspection